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Le Jura, champion de l’édredon

CHRONIQUE. Les commémorations cette année de son glorieux passé ne dissimulent pas le fait que le tout jeune canton ne semble plus avoir de projets d’avenir, et que son énergie a été avalée par la Confédération tellement assimilatrice, écrit, désenchanté, Yves Petignat

Les militants du Groupe Bélier, avec au centre Jonathan Gosteli, rapportent les panneaux volés des localités du Jura bernois devant le Parlement jurassien, après le défilé du Mouvement autonomiste jurassien. Fête du peuple jurassien,  50e anniversaire du plébiscite jurassien, Delémont, 23 juin 2024. — © JEAN-CHRISTOPHE BOTT / keystone-sda.ch
Les militants du Groupe Bélier, avec au centre Jonathan Gosteli, rapportent les panneaux volés des localités du Jura bernois devant le Parlement jurassien, après le défilé du Mouvement autonomiste jurassien. Fête du peuple jurassien, 50e anniversaire du plébiscite jurassien, Delémont, 23 juin 2024. — © JEAN-CHRISTOPHE BOTT / keystone-sda.ch

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Ici, on n’en finit plus de commémorer le passé. Et de se poser en héros rebelles. Dernier né des cantons de la Confédération, le Jura sort d’une nouvelle année d’autocélébration pour le 50e anniversaire du plébiscite de 1974. Le vote qui vit les Jurassiens accepter de se séparer de Berne et d’entrer en souveraineté. Films, expos, conférences, exhumation de la pierre symbolique d’Unspunnen, dérobée jadis aux Bernois par des militants, c’est le retournement des morts. Et dans cinq ans, on remettra ça pour le 50e anniversaire de la reconnaissance par le peuple et les cantons suisses. Ainsi chemine-t-on de commémorations en anniversaires pour mieux ignorer le vide. Cet avenir qui nous tourmente.

A cet égard, le canton créé par les irréductibles Jurassiens d’hier est sans doute le plus bel hommage vivant de la capacité d’assimilation de la Confédération. L’apothéose de la technique de l’édredon. Se couler dans l’avis des autres sans s’exposer. Dans ce canton, la révolution n’a pas dévoré ses enfants, elle les a décorés. Ou plutôt commémorés. Pour mieux respectabiliser leur révolte. Et puis elle s’est rendormie. Pas de bruit, pas de vague. Ni tête ni idée qui dépasse. On administre. Dans le fond, cette petite région a retrouvé ses racines conservatrices. Même s’il s’autorise parfois des votes progressistes, ce canton reste un peu effrayé par ses audaces d’autrefois. Trop d’idées, trop de rêves, trop d’utopies ont germé il y a 50 ans pour qu’il n’en nourrisse pas des remords aujourd’hui. Rêver, ce n’était pas très suisse. Sa pente naturelle l’a poussé à se fondre dans cette Suisse institutionnelle, un peu terre à terre, calfeutrée, sans grandes visions ni projets. Cette Suisse officielle tant honnie du temps de la lutte nationale.

Le Temps publie des chroniques, rédigées par des membres de la rédaction ou des personnes extérieures, ainsi que des opinions et tribunes, proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Ces textes reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du média.

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